mardi 5 avril 2016

De force de Karine Giebel

C'était mon premier roman de cette auteur*, et je dois dire que je n'ai pas été déçue...

Résumé

Elle ne m'aimait pas. Pourtant, je suis là aujourd'hui. Debout face au cercueil premier prix sur lequel j'ai posé une couronne de fleurs commandée sur internet. Car moi, j'ai voulu l'aimer. De toutes mes forces. De force. Mais on n'aime pas ainsi. Que m'a-t-elle donné ? Un prénom, un toit et deux repas par jour. Je ne garderai rien, c'est décidé. A part le livret de famille qui me rappelle que j'ai vu le jour un 15 mai. De mère indigne. Et de père inconnu. Lorsque j'arrive devant la porte de mon ancienne chambre, ma main hésite à tourner la poignée. Je respire longuement avant d'entrer. En allumant la lumière, je reste bouche bée. Pièce vide, tout a disparu. Il ne reste qu'un tabouret au centre de la pièce. J'essuie mes larmes, je m'approche. Sur le tabouret, une enveloppe. Sur l'enveloppe, mon prénom écrit en lettres capitales. Deux feuilles. Écrites il y a trois mois. Son testament, ses dernières volontés. Je voulais savoir. Maintenant, je sais. Et ma douleur n'a plus aucune limite. La haine. Voilà l'héritage qu'elle me laisse.


Mon avis



On pourrait lire cet ouvrage avec pour fond sonore la chanson de Police " Every breath you take"... En effet, il s'agit là d'un roman où l'héroïne est victime d'un harceleur. Et si ce n'est pas véritablement un huis-clos, puisque l'action se déroule en plusieurs endroits, le climat oppressant qui règne dans et aux abords de cette demeure luxueuse de la côte d'azur pèse sur les personnages autant que sur le lecteur. D'ailleurs, on pourrait presque considérer la maison comme un autre personnage de l'histoire, tant elle joue un rôle primordial dans ce récit: elle a un passé, un drame survenu des années auparavant dont elle garde les traces, au moins dans la mémoire de ceux qui y vivent; un présent, où les personnages se retrouvent tous avec leurs peurs et leurs démons; et un avenir, incertain, comme celui de ses habitants...

Quand bien souvent on met tout un livre pour comprendre le titre, ici "de force" est évoqué dès les premières pages, puis repris, tout au long du roman, comme scandé, pour rappeler au lecteur la menace qui pèse sur Maud, mais aussi sur tous les protagonistes, de diverses manières. Chacune de ces occurrences fait référence à une situation différente, et pourtant chaque fois le piège se referme un peu plus sur les proies, qui se retrouvent, de force, entraînées dans une situation qui les dépasse. 

Peu à peu, le décor idyllique et la belle petite famille bourgeoise se dévoilent et on découvre une ambiance malsaine... Alors que le père semble être un monstre (les pensées qu'il entretient vis à vis de sa fille sont pour moi à la limite de la pédophilie) et la belle-mère une garce, Maud révèle aussi progressivement son côté noir. Quant à Luc, qui se retrouve au centre d'un carré amoureux - il subit les avances de l'une des trois femmes, une autre tombe amoureuse de lui et  il couche avec la dernière, pour laquelle il ne semble être qu'un sextoy - on découvre derrière l'homme droit et honnête qu'il paraît être au début une âme noircie par la vie et il est très difficile à cerner. 

Dans ce thriller psychologique, les monstres sont plus nombreux qu'on pourrait d'abord le croire... Une tension palpable, un imbroglio de (res-)sentiments. Et toujours cette menace qui pèse: le harceleur va-t-il passer à l'action? Pourquoi en a-t-il après le Professeur? Quel noirs secrets cache d'ailleurs cet homme dont les masques qu'il collectionne sont moins nombreux que ceux dont il se pare...

Le livre est ponctué, tantôt par un courrier du malfaiteur envoyé au médecin, tantôt par les scènes, effrayantes, où le psychopathe est chez lui. 
Et il y a aussi des personnages absents (et pourtant très présents):
       - Marianne, l'amour de Luc, dont on ne sait pas s'il est réel ou imaginaire, passé ou présent...
     -Le petit garçon de la photo, auquel l'agresseur s'adresse chez lui, que j'ai d'abord soupçonné d'être lui-même, une sorte de fantôme de l'enfant qu'il était, représentant peut-être l'homme qu'il n'avait jamais pu devenir, mais qui finalement pouvait aussi bien être un être cher perdu, un frère, un enfant, en tout cas un membre de sa famille, d'après la ressemblance physique.
      -La mère de Luc, une autre femme de sa vie, que l'on ne "connaît" qu'à travers les courriers qu'il reçoit d'elle...
     -Lucas, le fils de Charlotte, dans le coma, dont on n'apprend l'existence que très tard, et qui apporte un éclairage nouveau sur cette femme blessée, personnage bien plus complexe qu'on peut d'abord le croire. 
C'est d'ailleurs le cas de tous, ils nous renvoient d'abord une image et peu à peu on les découvre et redécouvre, via leurs actions, leurs révélations ou celles de l'auteur sur leurs passés...

Pendant le roman, on se pose beaucoup de questions sur les personnages, et ce qui leur arrive. Et souvent, dans la première moitié, je me suis demandé quelles étaient les raisons de la persécution. Cela avait-il un rapport avec la mort de la mère de Maud? Avec la négligence qui avait causé la mort d'un petit garçon? Ce n'est qu'à la moitié du livre, quand Armand avoue son "crime", que j'ai vraiment été sûre que le petit garçon au nutella était le fils de l'homme. Mais alors, qui était la voix au téléphone? Comme bien souvent à la lecture d'un thriller, on devient paranoïaque et soupçonne un peu tout le monde. J'ai envisagé dans ce rôle de complice la belle-mère évidemment, pour faire souffrir Maud et se venger de son mari, qui lui a toujours préféré sa fille. Mais aussi que le professeur, tellement possessif, ait monté un stratagème pour que sa fille ne lui échappe pas... J'ai aussi eu des doutes sur quasiment tous les autres personnages, même si je ne savais pas quel aurait été leur intérêt... 
Souvent je devine les rouages et leur fonctionnement, mais ici, le final fut pour moi vertigineux, et certaines des réponses apportées m'ont carrément surprise (ce qui ne fut pas le cas pour ma maman qui elle avait vu la chute venir de loin ;) ). Comme lorsque l'on voit ces films, "Le sixième sens" ou "The game", j'ai presque eu envie de relire le bouquin à la lumière des révélations finales. 

Pour conclure, j'ai trouvé ce roman vraiment très travaillé, et pour moi ce n'est pas qu'un thriller, car derrière l'intrigue principale on découvre un drame, et même plusieurs, des personnages complexes et attachants malgré leurs travers. J'ai aimé cette lecture et je  replongerai très vite dans les lignes de cette auteur.

*je ne sais jamais si je dois suivre la nouvelle orthographe en employant "auteure", et, si je ne le fais pas, si je dois tout de même accorder le pronom: cet auteur ou cette auteur? Si vous avez la réponse, ou un avis sur la question, n'hésitez pas à m'en faire part!

6 commentaires:

  1. Mon copain me l'a offert il y a peu et je sens que je vais me régaler !!!

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  2. Je pense aussi ;) passe me donner ton avis quand tu l'auras lu! A bientôt...

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  3. Je n'ai jamais lu cette auteure encore, mais tu m'as donné envie de découvrir sa plume :-)

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  4. J'espère que ça te plaira. De mon coté tu m'a donné envie de lire "La délicatesse". On se tient au courant ;)

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  5. Je l'ai fini le mois dernier et j'ai vraiment apprécié ma lecture. Alors je ne veux pas spoiler, mais pour le petit garçon il me semblait qu'on apprenait assez tôt qu'il s'agissait de son fils.. j'aurais aussi des choses à dire sur Marianne ou la mère, mais je préfère ne pas en dire trop pour ceux qui ne l'ont pas lus. ;-)
    Bonne lecture à tous !!

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    1. Merci pour tous ces commentaires, ça fait vraiment plaisir!

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Merci pour vos petits mots ;)